Vendée 

Fromagerie

de

DOIX

historique

Yvette Biré dans l'ouvrage « au Pays des Colliberts » évoque parmi les vieux métiers de Doix aujourd'hui disparus, celui de fromager. Elle rappelle notamment l'existence des fromageries Joly, Sacré, et Mignonneau dont l'activité s'est poursuivie jusqu'à la guerre 1939-45. La fabrication consistait essentiellement en fromages à croute rouge, dits de Hollande, et en fromages, dits du Curé.

Cette dernière spécialité, purement locale, se perpétua quelques temps au Langon avant de disparaître. Elle doit sans doute son nom à un doixerain hors du commun : Célestin Guérin, dont l'histoire mérite d'être contée.

Célestin Guérin est né a Doix en 1844 dans une respectable famille de marchands de bestiaux et de propriétaires aisés. ll appartenait a cette génération de vendéens qui, tel Clemenceau, accueillirent avec enthousiasme les idées républicaines a la chute du Second Empire dans une Vendée restée majoritairement fidèle a l'idée monarchique ou impériale.

Son activité de fabricant et marchand de fromages débuta par son mariage en 1872 avec Angélique Boutin, fille de Louis Boutin, fondateur d'une fromagerie a Doix dès 1856 (peut-être alors située aux Roches), déplacée un temps à Luzay, près de Bressuire (1860-1872) et de Fanny Bourassier.

Les beaux-parents fromagers de Célestin Guérin avaient eu un destin peu commun et devaient souffrir d'une réputation quelque peu sulfureuse auprès des « braves gens qui n aiment pas que I'on suive une autre route qu'eux » comme le dit la chanson de Brassens.

En effet, selon une tradition rapportée par Auguste Mignonneau (lui-même un des derniers fromagers de Doix). Louis Boutin était avant son mariage, jardinier du Couvent des religieuses de Charron et (Fanny Bourrassier, originaire d'Aigueperse en Puy de Dôme, supérieure du dit Couvent...

On peut imaginer le « scandale » que pouvait représenter dans les années 1850 à Doix, l'existence d'un tel couple et la réprobation morale dont il devait être entouré ! Autant dire qu'il ne fréquentait pas l'église et que I'anticléricalisme de leur gendre trouva chez eux un terrain d'élection pour s'épanouir.

Car Célestin Guérin n'était pas tendre avec le clergé local. Lors de la prise de fonctions du Curé Griffon en 1884, alors que la population catholique accueillait avec ferveur son nouveau pasteur, cavaliers en tête. Célestin mobilisait les ouvriers de sa fromagerie pour faire une contre manifestation avec le drapeau tricolore !

On raconte qu'il commanda une messe un jour de 14 pour le salut de la République mais qu'il se vit essuyer un refus catégorique de la part du desservant...

Les bâtiments nouvellement construits de sa fromagerie, situés au bourg au fond de la rue du Puits et dont une partie subsiste toujours, notamment les caves voûtées dans l'ancienne boulangerie Sacré, étaient truffés d'ornements rappelant ses convictions républicaines (un buste de Marianne dans une niche, des drapeaux tricolores et des devises maçonniques inscrites en plusieurs endroits, comme celle-ci : « de I'inait la grandeur des peuples... »).

Comble de la provocation antireligieuse : un escargot de terre cuite vernissée au faîtage du toit dressait ses cornes vers l'école privée des Soeurs et sa statue de St Joseph...

Célestin Guérin devait encore défrayer la chronique locale par son divorce en 1885 (une première dans la commune...) et son remariage en 1890 avec une Suissesse de Neuchâtel. Le maire Bonnet refusant de célébrer cette union par conviction religieuse fut révoqué de ses fonctions pour la circonstance et remplacé par un membre républicain « égaré dans le Conseil Municipal », l'occurrence Benjamin Chartier-Sagot.

 

Ce deuxième mariage et des difficultés économiques entraînèrent le départ de Doix de Célestin Guérin qu'on retrouve eu 1892 représentant de commerce à Nantes avant d'en perdre la trace.

Sa fromagerie reprise par la famille Sacré-Gaudin continua la fabrication des fromages de Hollande et du Curé dans les locaux du bourg jusqu'à leur transformation partielle en boulangerie.

Le choix du nom « Fromages du Curé », marque déposée le 19 mars 1885 au greffe du tribunal de Commerce de Fontenay-le-Comte, n'était donc pas le fruit dune vieille recette ecclésiastique. Il résultait de la volonté d'un homme qui certainement avec humour voulait donner à ses concitoyens la possibilité de « bouffer du Curé » à une époque où la République et l'Église se détestaient cordialement.

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