Imprimerie

LANGLOIS Émile

à ARGENTAN

VIMOUTIERS

(Orne)

     
  Historique :  
                   
 

Il est pour le moins rare qu'un jeune homme issu du monde rural déclare à vingt ans lors de son recensement militaire être écrivain. Et pourtant c'est ce qui figure sur la fiche matricule de Langlois Émile soldat de la classe 1885 au moment de son incorporation.
Né à Thevray (27) en 1865 d'une famille dont le père a exercé de multiples activités telles briquetier, journalier, cafetier..., Émile Langlois effectue, selon la loi en vigueur à cette époque, quatre années de service militaire au sein du 11ème régiment d'artillerie caserné à Versailles (78) au sein duquel il est promu brigadier en 1887, maréchal des logis en 1888 *1.
Libéré de ses obligations militaires, Émile langlois se marie en 1891 à Héricourt en Caux (76) où il exerce le métier de clerc de notaire avec Berthe Deffay (Laval 1863 - Argentan 1928). Quand en 1892 naît Pierre leur fils aîné, le couple habite à Yvetot (76) situé à une dizaine de kilomètres plus au sud, où Émile est toujours clerc de notaire. Un des témoins de la déclaration de naissance est Me Albert Lalippe.
C'est dans cette même ville que leur second enfant Robert voit le jour en 1899. Lors de la déclaration de cette naissance Émile mentionne être rédacteur au journal « L'Abeille Cauchoise », et l'un de ses témoins n'est autre que Léon Lachèvre, le directeur du dit journal, bi-hebdomadaire de l'arrondissement d'Yvetot créé en 1873. En janvier 1902, Émile en devient le directeur *2 . Et c'est probablement à ce titre qu'il est condamné en 1905 par la cour d'appel de Rouen à 500 Fr d'amende pour diffamation et injures publiques.
Il cesse ses fonctions en septembre 1907 et s'installe à Argentan (61), au 6 de la rue du collège pour prendre en main le journal de l'Orne créé en 1852 et son imprimerie.

 
     
  Le premier numéro du journal de l’ère Langlois paraît le samedi 5 octobre 1907 et comporte en première page un avertissement :
« A nos lecteurs
Depuis le 1er octobre, M. A. Danoiseau a cédé la propriété du Journal de l'Orne et de son imprimerie à M. Émile Langlois, précédemment directeur de L'Abeille Cauchoise à Yvetot.
En prenant congé dé ses nombreux lecteurs et clients, M. Damoiseau tient à les remercier de la confiance qu'ils lui ont accordée et les prie de bien vouloir la reporter sur son successeur qui n'épargnera aucun effort pour s'en rendre digne. Les bureaux et ateliers restent fixés 6 rue du Collège, à Argentan, où toutes les correspondances devront être désormais adressées à M. Émile Langlois.

- 1902 -
 
     
  Voici en quels termes L' Abeille Cauchoise a enregistré le départ de son directeur et rédacteur en chef :
« Nous ne laisserons pas partir M. Langlois sans lui dire que nos vœux les plus sincères l'accompagnent dans sa nouvelle situation. Au cours des quinze années qu'il a passées à l'Abeille, tant comme rédacteur que comme directeur, H. Langlois a fait largement ses preuves. Travailleur opiniâtre, il reportera sur son nouveau journal les qualités que nos lecteurs ont été à même d'apprécier et qui assureront à son œuvre de demain un succès que nous lui souhaitons de grand cœur ».

Tous nos remerciements à notre confrère pour sa flatteuse appréciation. »

A la suite Émile Langlois énonce ce qu'il intitule « Notre Programme ». Il y livre l'essentiel de sa vision politique de la société :
« Avant tout, le Journal de l'Orne entend demeurer fidèle aux convictions qu'il a jusqu'à ce jour défendues. Franchement libéral, il reste, aujourd'hui comme hier, acquis sans réserve aux principes de conservation sociale qui sont, pour nous, la clef de voûte de toute civilisation et la base de tout progrès : religion, patrie, famille, propriété...
Devant la marée montante de la démagogie et de la révolution, l'union s'impose plus étroite que jamais entre tous les bons français, à quelque parti qu'ils appartiennent. Le Journal de l'Orne s'emploiera, dans sa modeste sphère, à maintenir et à fortifier cet accord bienfaisant. »


Il annonce également que le journal comportera chaque semaine une rubrique nouvelle :
« Dès à présent, pour donner à nos appréciations sur les événements politiques une forme plus appropriée aux goûts de nos lecteurs des campagnes, nous nous sommes assuré la collaboration d'un écrivain de talent qui, sous le pseudonyme de Théodule Bongrain rédigera pour eux chaque semaine les  Propos d'un Paysan. Nous ne doutons pas que cette innovation ne soit accueillie favorablement ».
Il est permis de penser que, sous le couvert de propos prêtés à un paysan local, Émile Langlois est probablement cet « écrivain de talent » qui délivre sa vision des événements sous la forme d'un texte éditorial.
Ainsi ira le cours des choses jusqu'au déclenchement de la première guerre mondiale. Pierre le fils aîné, imprimeur, exempté en 1912 pour faiblesse générale, l'est à nouveau en 1914 pour insuffisance physique. Pourtant il sera appelé en 1917 et quitte l'imprimerie pour être incorporé au 104ième RI caserné à Argentan. Ayant fait des études supérieures, il prend rapidement des galons, caporal en décembre 1917, sergent en janvier 1918, aspirant en février puis sous-lieutenant à titre temporaire en août. Il décède en septembre à l’hôpital d'évacuation de Bussy le Château dans l'Aisne « des suites d'une maladie contractée aux armées ». Il est probable qu'il a contracté la grippe espagnole qui fait des ravages au cours de cette période.
Son frère Robert, imprimeur journaliste, qui lui aussi a fait des études supérieures est ajourné en 1918 pour faiblesse. Il ne part sous les drapeaux qu'en mars 1920 pour être affecté au 83ième régiment d'artillerie lourde à Créteil. Il y reste quelques semaines avant d'être réformé en avril et de rejoindre l'imprimerie familiale.
Robert épouse à Verneuil (27) en 1923 Suzanne Avenel.
En février 1928, sa mère gravement malade se sentant sur la fin, décide avec son mari Émile de faire une « donation notamment à M. LANGLOIS Robert-Marie-Gustave-Louis, journaliste, demeurant à Argentan, rue du Collège, du fonds de commerce d'imprimerie exploité à Argentan, rue du Collège n° 6, comprenant : nom commercial, clientèle, achalandage et le journal hebdomadaire édité par l'imprimerie dit « Journal de l'Orne », le matériel servant à l'exploitation et les marchandises existant dans le dit fonds. L'entrée en jouissance a été fixée seulement au décès du survivant des donateurs ».
Berthe Deffay décède quelques semaines plus tard à 65 ans.
Robert devient donc le directeur du journal.
 
     
   
     
  En 1929, il est condamné par le tribunal d'Argentan à 16 fr d'amende avec sursis pour diffamation.*3
Dés le milieu des années 1920, Émile semble avoir pris peu à peu du recul par rapport à la gestion du journal et de l'imprimerie pour s'adonner d'avantage à l'écriture et ce dans un autre genre que la prose journalistique. Il aura attendu presque 35 ans avant de pouvoir donner une réalité à ses ambitions de jeune homme : être écrivain.
Il est l'auteur de différents écrits : 1922-Les Echos de Sion. Stances et Poèmes.1925-Un français, pièce en trois actes et quatre tableaux en vers, La Course au clocher, 5 actes en prose. 1930-L'Holocauste, 3 actes en prose, Les Fastes du foyer. 1933-Trois pièces radiodiffusées : La Fille de don Juan, Albert Glatigny, le poète errant, Le Diable se fait ermite . 1934-Fléchettes. 1937-Le ruban, études de mœurs paysannes en 3 actes. La maison Dubar, comédie en un acte.1938-Le chevalier d'Assise. 1939-Saynètes pour les jeunes : Les rois mages, Le bon chevalier, Le sourire du printemps, Nos mamans.

En 1931, Emile Langlois est fait chevalier de la Légion d'Honneur au titre du ministre du commerce. Lors de la remise de cette décoration dans son discours le député de l'arrondissement, le duc d'Audiffret Pasquier (1882-1957) se plaît à souligner la carrière du récipiendaire:[...]vous vous êtes installé en 1907, donnant de suite un essor nouveau à cette imprimerie qui, bientôt modernisée par vos soins, put imprimer sur huit pages le « Journal de l'Orne » , au format des journaux de Paris. Aimant votre métier, cherchant à en perfectionner sans cesse la technique, vous avez voulu associer à votre bonne fortune vos collaborateurs dans un esprit de justice et de pieux souvenirs.
A vos frais, vous les avez dotés d'une Caisse de retraite et, en parfait accord avec eux, vous avez par la suite, transformé les versements faits à cette caisse en primes d'ancienneté attribuées chaque semaine aux ouvriers ayant un certain nombre d'années de présence à l'imprimerie.
De même, soucieux, dans votre amour de la famille, d'en faciliter la constitution à vos ouvriers, vous avez, pour les travailleurs mariés et père de famille, créé une allocation familiale mensuelle, et accordé à chaque naissance une prime de 200 francs. Par là, vous marquiez votre souci de justice sociale et et votre goût pour la fidélité à une maison qui est chère à tant de points de vue.
Et d'ajouter : « C'est sur le terrain des idées que nous avons noué une amitié dont je m'honore et qui, depuis plus de vingt années passées, n'a été obscurcie d'aucun nuage ; collaboration qui me fut précieuse entre toutes. Dès avant la catastrophe qui, troublant le monde, vous a frappé si cruellement, vous préconisiez avec fermeté, pour notre cher pays, une politique libérale que l'Union Sacrée, rendue nécessaire par les événements exceptionnels que nous avons vécus, s'est trouvé réaliser. Le gouvernement que préside avec tant d'autorité mon ami Pierre Laval, a sans doute trouvé dans les principes si conformes à ses propres directives qui ont inspiré votre action, un titre de plus à distinguer vos mérites.
Rien d'étonnant au vu de cette déclaration à ce que, dans un dossier des archives départementales consacré aux années 1930, le journal de l'Orne dirigé par Robert Langlois soit considéré « comme très marqué à droite ».*4
Le dernier numéro du Journal de l'Orne paraît le vendredi 2 juin 1944. Les bombardements du 6 juin détruisent différents quartiers de la ville dont en partie le secteur de la rue du collège. Emile Langlois décède en 1949 à Noisy Le Sec (93) et son fils Robert en 1975 à Maisons Laffite (78).
Le journal de l'Orne sera repris en en 1950, puis racheté en 1980 par le groupe de presse Méaulle.
 
                   
            Sources : rédaction Gérard Clouet, mars 2020
*1 équivalent à caporal, et sergent pour l'armée de terre.
*2 FRBNF32797106.
*3 Ouest-Éclair 1929/03/08 édition Orne.
*4
La lettre des archives ( de l'Orne) N° 32 2008

 

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