Ille et Vilaine 

                   
   

Historique de la laiterie-fromagerie

de VERN-SUR-SEICHE 

   
       
  Créée en 1906 et fermée en 1979, la fromagerie a connu de nombreuses péripéties. Mais au cours de ces trois quarts de siècle d’existence, l’entreprise a plus subi plus qu’elle n’a influencé les grandes manœuvres économiques intervenues dans le secteur agro-alimentaire breton. L’histoire de cette entreprise est, en effet, celle d’une fromagerie-beurrerie indépendante, absorbée par des groupes plus puissants qu’elle et, généralement extérieurs à la région, si l’on excepte le dernier, et non le moindre, les Ets BRIDEL . Créée par la Maison De Glatigny, installée à Paris, elle est ensuite cédée à la Sté Crolbois et Cie, Biologiste-chimiste. Elle passe au milieu des années 20 dans les mains de M. Guillaud Raymond  de Paris. Après guerre, en 1954, elle est rachetée par M. Roger Lanquetot, gérant d’un groupe laitier en Normandie ; et en 1969, toujours dirigée par la famille Lanquetot, elle est contrôlée par le Groupe BRIDEL. L’évolution de la production est toute aussi significative. A l’origine, fromage et beurre constituent l’essentiel de la production qui peut atteindre jusqu’à 850 kilos de fromages par jour en 1925. L’entreprise, en plein essor, diversifie ses produits à l’époque de  M. Guillaud : beurre et fromages variés (Port-Salut puis Saint-Paulin, Brie mais aussi pâte à Suisse).  
  Après 1954, le site des Bouillants, intégré dans un groupe, n’est plus qu’une unité de production spécialisée dans la fabrication de quelques fromages :  le camembert devient alors le produit vedette : la production oscille entre 14 000 et 20 000 camemberts par jour.

A la faveur d’une réorientation au cours des dernières années de fonctionnement, la fromagerie est placée sur un nouveau créneau : les fromages destinés à l’exportation vers l’Allemagne. Sort alors de l’usine un camembert répondant aux normes et au goût allemand.

L’impact de l’entreprise n’est pas mince dans le sud du pays de Rennes. Celle-ci est, en effet, une source importante d’emplois. Pas moins de 15 ouvriers en 1910 ; en 1949, ce chiffre atteint la quarantaine et lors de la fermeture, ce sont 30 personnes qu’il convient de reclasser dans les usines BRIDEL de Retiers et de L’Hermitage. Elle a su, d’autre part, créer un réseau de collecte afin de drainer la matière première  nécessaire à son fonctionnement.
 
  En 1925, le collectage se fait sur une dizaine de communes formant un triangle « Vern, Chartres, Chanteloup ». Vers 1960, l’usine rayonne sur une trentaine de communes et collecte environ 70 000 litres de lait par jour. Les moyens techniques, il est vrai, changent : les voitures à cheval cèdent la place, à partir de 1949, aux véhicules motorisés. Présente dans les circuits économiques du monde rural des environs, l’entreprise l’est également dans le paysage. Cette image de paillasses à fromage, mises à sécher à l’air libre sur des fils tendus sur les pentes proches, n’est pas la moins originale.

Les bâtiments sont, pour leur part, incontournables Leur déploiement sur le site s’est fait en plusieurs étapes, signe tangible du souci d’assurer la viabilité de l’entreprise par un effort  constant d’investissements. L’existence sur cette propriété, jusqu’alors résidentielle, avec son chalet fin du XIX° siècle, d’une fontaine -encore visible- est l’élément déterminant qui a présidé au choix des propriétaires d’installer une fromagerie, usine grande consommatrice d’une eau nécessairement de bonne qualité.

Les bâtiments construits sont particulièrement austères avec leurs baies étroites et hautes. Dans le bloc construit en schiste, la différence d’appareillage permet de distinguer le plus ancien bâtiment (à gauche de la lucarne) du premier agrandissement prolongé par une grande cheminée démolie en 1965.
 
   
   
  Ensuite, d’autres bâtiments sont élevés sans plus de soucis esthétiques ; la préoccupation des gérants se portant essentiellement sur la nécessité de loger, au mieux, des installations  plus modernes, d’ailleurs régulièrement renouvellées. Près des bâtiments de production se trouve une porcherie, complément traditionnel de toute laiterie afin d’utiliser des sous-produits tel que le petit lait.

Aux abords immédiats de l’usine, sont implantés également quelques logements destinés aux ouvriers les plus éloignés de leur domicile.

Mais le site est contraignant. Il porte en lui le déclin de l’établissement. L’exiguïté de la propriété et la configuration des lieux interdisent toute véritable extension permettant d’organiser rationnellement la production. Il s’avère impossible notamment de construire une unité de traitement des eaux usées digne de ce nom. L’eau rejetée dans la Seiche est polluée. Le forage d’un puits en 1976, en remplacement de la fontaine, au débit insuffisant, ne remet nullement en cause l’évolution inéluctable de la fromagerie qui ferme définitivement en 1979.
 
  Voici la description de quelques étiquettes de fromages qui ont été retrouvées :  
 

N° 1 – Camembert extra fin – Haute Marque – Vern (I. et V.)  

   

Le dessin représente  la fromagère accompagnée de son cheval  qui porte des paniers. On peut penser qu’elle part pour vendre ses fromages. Elle tient un objet dans la main droite. C’est la seule étiquette sur laquelle est inscrit : Marque déposée ; cela afin d’éviter que d’autres fromageries fassent des copies. En effet, de nombreux procès se sont déroulés entre fromageries à cause d’étiquettes presque identiques.

 

Dans la rubrique "Inspiration Iconographique" du site,  on découvre que cette superbe lithographie, du début du 20° siècle, reprend le tableau de « La Laitière » peint par Jean-Baptiste Greuze, exposé au musée du Louvre à Paris.

   
   

N° 2 – Camembert Superfin – Domaine des Bouillants–Vern (lle-et-Vilaine)  

   

L’étiquette représente une usine  avec une cheminée très haute d’où s’échappe de la fumée ; tout près se dresse un chalet, grande maison bourgeoise. On voit aussi des vaches et des pommiers fleuris et le pont qui enjambe la rivière. La fromagère accompagne un cheval. On la retrouvera, mais en format agrandi, sur l’étiquette n°2.

 

 

 

N° 3 – LA CROIX – Camembert fabriqué en Ille-et-Vilaine –

   

Avec le blason de l’hermine et en dessous le slogan : « Nec plus ultra » ;  45 % de matière grasse ; code 35 E. En bas une croix avec au centre un visage cerclé de rouge. Imprimerie Garnaud à  Angoulème.

 

N° 3a – Une variante : Etiquette "petit camembert" avec la même croix que sur l’étiquette n° 3 et chaque côté un blason, et le même slogan « Nec  plus ultra ». En haut de l’étiquette, on lit : Garanti 45 % Matière Grasse. L’imprimerie est : Malherbe à Caen.

 

 

   

 

 

N° 4 – Roger Lanquetot et Fils à Vern-sur-Seiche – Camembert fabriqué en Ille-et-Vilaine –

 

Etiquette plus moderne que les précédentes sur laquelle on retrouve le blason de l’hermine. Au centre sont imprimées les inscriptions suivantes : VIKING – Inmagno : Navigio :

45 % matière grasse. Le dessin représente un seigneur sur son cheval et un bateau naviguant sur la mer. Imprimerie Garnaud à Angoulème.

 

N° 4a – Etiquette presque identique au n° 4 : seul le centre de l’étiquette est différent. Les inscriptions, le chevalier et le bateau sont noirs ; le fond du blason avec l’hermine et l’autre blason avec le taux de matière grasse sont de couleur identique, rouge pâle. Imprimerie Garnaud à Angoulème.  

 

N° 4b – identique au N° 4a mais provient de l'imprimerie Mazerand - Cirey à Paris

 

 

 

N°5 – VIKING – R. LANQUETOT & Fils –

 

Un guépard figure sous "VIKING", 45% matière grasse, fond rose. Imprimerie Ozanne & Cie à Paris

 

   

 

 

N°6 – CAMEMBERT VIKING – ROGER LANQUETOT & Fils

 

Fond rouge avec cercle épais noir, imprimerie Garnaud à Angoulême

 

 

 

N°7 – CAMEMBERT BRIDEL –

 

Fond aluminé en vert clair (couleur du scan plus foncée), entourage en jaune aluminé. mention "Laiteries E.Bridel - 35240 Retiers - France"

Pas de mention d'imprimerie

 

N°7a – identique au n°7, mention "Spécial export France - 35E - Fabriqué en Ille-et-Vilaine"

 

   
  La fromagerie ayant été rachetée en 1954 par les Ets LANQUETOT, de nouvelles étiquettes ont été apposées sur les fromages.  
 
autres renseignements :
Selon Mr Louis Le Bourhis, ancien ouvrier, la laiterie fut dirigée par Jacques Lanquetot fils de Roger Lanquetot, et par son beau-frère, Mr Gautier. Ils étaient associés. Mr Jacques Lanquetot habitait une maison située face à la mairie de Vern. Selon Mr Emmanuel Méril, ancien employé, qui habite  toujours à Vern, un camembert était vendu sous la marque « Les Lilas ». Le chalet qui se trouvait à l’exposition universelle de Paris en 1900 fut démonté et reconstruit à Vern. En 1951, selon Mr Louis Le Bourhis, la production était de 2000 camemberts par jour.  

Anecdote :

Anecdote rapportée par Mr Drouet, vernois d’origine, qui habite à Rennes.

Mr Leparoux faisait la tournée sur Vern pour collecter le lait ; parfois Mr Drouet faisait le trajet pour aller à l’école dans la charrette tirée par les chevaux.

 
 

 

Divers :

Sur des documents commerciaux datant de 1911, on voit que la fromagerie des Bouillants fabrique du Port-Salut, marques « Curé », « Le Petit St-Armel » ; du camembert et du Brie.

Sur un courrier de juin 1951, adressé par la Sté J.Crolbois et Cie, à l’imprimerie Garnaud à Angoulême, on lit :

« Société fondée en 1906 ; fromages des pâturages  de la vallée de la Seiche ; Saint Paulins – Bries – Camemberts – Beurre.

Les courriers datés de 1960 et 1967, pour commander des étiquettes, sont adressés par les Ets Roger Lanquetot et Fils. Les fabrications mentionnées sont : « Camemberts extra-fins et Spécialités ».

Le 23 octobre 1970, une commande est envoyée par les Ets Bridel de Retiers (35) avec la mention suivante : livraison à notre usine de Vern-sur-Seiche.

 
 

Historique complémentaire :

 

La DRAC, dans son inventaire général, en 1998, apporte les compléments suivants :

« Cette fromagerie industrielle est attestée en 1874, date à laquelle elle est récompensée à l’Exposition de Paris. D’autres médailles d’or et d’argent suivront, de 1877 à 1880, en 1889, puis en 1900. Elle reçoit également le diplôme d’honneur à Bordeaux en 1896, à Rennes en 1897 et à Paris en 1901. Elle fabrique alors du beurre pasteurisé aux ferments d’Isigny, de la crème fraîche pasteurisée au bouquet d’Isigny et des fromages hautes marques pasteurisés aux ferments de Normandie. »  Nota :  Mr Prudent Delanoë pendant ces années dirigeait la Laiterie des Bouillants. Sur sa publicité, on peut lire : « Beurre surfin garanti pur » , livraison tous les jours.

Il déposa la marque de ses produits selon le texte suivant : « Marque désignant du lait, de la crème, du beurre et des œufs, fromages, volailles et autres produits de la ferme, déposée le 26 octobre 1891, à 3  h 30, au greffe du tribunal de Commerce de la Seine, par le sieur Delanoë (Prudent), demeurant à Paris. Cette marque est de dimensions et de couleurs variables. »

 
 

Suite des renseignements fournis par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) :

« En 1907, constitution d’une société en nom collectif entre A. Perrier, J. de Glatigny, J. Crolbois et M. Arthaud-Berthet, ayant pour objet l’exploitation industrielle de la fromagerie des Bouillants.

Le 04 septembre 1909, par suite du départ de A. Perrier, gérant de la société, sa raison sociale devient J. Crolbois et Cie.

En 1920, la fromagerie dirigée par Mr Guillaud, est en plein essor et diversifie ses produits avec la production de beurre, de fromages variés tels que le Port Salut, le Brie, et la Pâte à Suisse. »

Rappelons que la fromagerie est située à proximité de la rivière « La Seiche ».  

 
 

Bibliographie :

- Extrait de « L’eau, source d’industries »  - 1990  Guide de l’écomusée de la Bintinais à Rennes.

- L’industrie alimentaire, les pieds dans l’eau :  Les Bouillants à Vern-sur-Seiche.

 
                   

 

                 

 

Mise en page Eric Delpierre - réalisé à partir du travail de Maurice LECRIVAIN - Janvier 2002 

  

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