Deux-Sèvres 

                   
       

 

Laiterie fromagerie

coopérative de

CHEF-BOUTONNE

(79Q)

 

       
                   

 

Historique : 1892 - 1991
     
                   
  Au mois de novembre 1892, le Maire de la commune, M. Delaudier, prend l'initiative d'un projet de création d'une beurrerie coopérative. A cet effet, il écrit à chaque maire du Canton, pour leur demander de recenser le nombre de vaches, qui sont dans leur commune et d'autres renseignements concernant ce dessein. Il faudra attendre huit ans pour qu'il se concrétise et voit enfin le jour sous l'impulsion de l'Abbé Bouteiller.  
                   
  Le 26 Août 1900 : La laiterie coopérative naît. 1075 adhérents unissent leur production. Ils possèdent un troupeau de 1.624 vaches, de races diverses.

Chef-Boutonne, qui eut comme dernier personnage célèbre, le Marquis de Malesherbes qui défendit le roi Louis XVI devant la convention, espère que la laiterie apportera des jours meilleurs aux paysans de sa circonscription. Eux aussi ont souffert de la perte de leur vignoble.

La beurrerie s’équipe d’un moteur de forte puissance, de trois écrémeuses Alexandra, deux barattes, un malaxeur, et un réfrigérant à crème.

Le 19 octobre 1901, la laiterie commence à fonctionner. Elle recrute 12 ramasseurs qui couvriront un large secteur.
Pour le fonctionnement des machines, quatre personnes sont employées dont M. Lamy le-beurrier, M. Bouniot le chauffeur-écrémeur et M. Naffrechoux le controleur. Le petit lait retourne aux agriculteurs pour l'engraissement de leurs porcs. Une nouvelle vie meilleure débute pour les 298 sociétaires.

Les premières années sont encourageantes, comme l'indique le directeur M. Philippe Roy.
 
                   
  Des statuts furent établis : "Cette association a pour but la fabrication du beurre en commun, par les moyens les plus perfectionnés, afin d’en obtenir des prix plus élevés. La durée de la société est de dix ans à partir du 1er octobre 1900. Le nombre des sociétaires est illimité, toutefois peuvent seules faire partie de la société, les personnes habitant dans les communes de Crézières, La Bataille, Aubigné, Loubigné, Loubillé, Hanc, Bouin, Pioussay, Melleran, les Alleuds, Gournay, Loizé , Ardilleux et Chef-Boutonne, etc."

Le règlement se veut très précis sur l’hygiène à observer : "Le lait devra être placé dans des vases très propres, débarrassé de toutes impuretés provenant de la traite. Il devra être conservé dans une pièce absolument propre à l’abri de toute odeur. Le lait du matin ne devra pas être mélangé à celui du soir... Un contrôle laitier sera instauré... Les échantillons seront pris en présence de deux témoins et en trois fioles ; l’une d’elles sera remise au sociétaire, l’autre à la gendarmerie de Chef-Boutonne, la troisième restera à la société pour être analysée."

Lien : Les statuts de la laiterie en 1903.
 
                   
  En 1905, sur proposition du directeur, le conseil d'administration présidé par M. Henri Gayet, de la "Bataille de Chef-Boutonne", assisté des vice-présidents Alexandre Réguier, maire des Alleuds, et Lucien Gendreau de "Couturette'"par Chef-Boutonne, accepte le changement des trois Alexandra, par les performantes Alfa-Laval. Il cautionne aussi l'achat d'une machine frigorifique, dans quelques années.

Au mois d'octobre 1906, il survient un petit accident pas trop grave, au contrôleur, M. Naffrechoux. Celui-ci, en sortant de l'usine, glisse sur le trottoir et tombe à terre. Dans sa chute, il se fracture deux côtes. En 1908, il est remplacé par M. Donizeau.
 
           
 
11 avril 1907 - L'Écho Saintongeais
 
                   
  En 1913, les 2.694.873 litres de lait, se transforment en 103.364kg de beurre. M. Roy, malgré sa satisfaction des bons résultats, paraît inquiet. La première guerre mondiale est imminente, et les hommes vont devoir partir. Il faudra trouver des solutions. Il s'en acquitte parfaitement bien, car durant tout le conflit, la production reste pratiquement identique.

 
                   
  En 1920, sur Paris, des fraudeurs manigancent une stratégie pour s'enrichir sur le beurre. Cela a des impacts sur les laitiers des Deux-Sèvres qui se retrouvent poursuivis également.  
     
 
1er janvier 1920 - Le Petit Journal
 
                   
  En 1925, M. Roy laisse sa place à M. Guérineau, après un excellent travail reconnu par tous.

Le plus important client de la laiterie, la Compagnie des Wagons-lits, prend plus de 75% de la production, pour ses wagons-restaurants qui sillonnent le territoire Français et l'Europe.
 
 
                   
  En 1929, la laiterie traite 19.000 litres de lait par jour et 10.000 en hiver. Son beurre est garanti extra-fin et a déjà remporté de nombreuses récompenses et médailles d'or :
Concours agricole de Paris : 1903, 1905, 1910, 1912, 1913
Exposition Internationale de Milan 1906 : Médaille d'Or
Exposition Internationale de Budapest : diplôme d'honneur
La Haye...
 
           
 
26 août 1934 - La Croix

1934
             
  1935 : M. Henri Gayet décède à l'âge de 86 ans. Président-fondateur à 51 ans, médaillé de 1870, ancien Maire de La Bataille, il fut un homme dévoué à sa coopérative. Il était Chevalier du Mérite Agricole. La coopérative compte désormais 1560 sociétaires.
                   
       
                   

1951


1954
Après la seconde guerre mondiale, la progression de la laiterie se hisse au niveau des grandes coopératives laitières. La collecte a triplé de volume.

Pour l'exercice 1951-52 ce sont près de 8 millions de litres de lait qui remplissent les bidons des camions.

En 1954, la laiterie coopérative de Chef-Boutonne passe à La Jarge, Bouligné, le Bourg et Bois-Renard. Cet organisme paie le lait au volume sans aucun souci de qualité ou de propreté. Les chèvres sont assez nombreuses dans le secteur. Elles ne font l’objet d’aucune sélection et d’aucun soin particulier. Le lait est livré à la laiterie. Quelques vieilles fermières fabriquent et vendent aussi leurs propres fromages.

La laiterie travaille tous les jours 20.000 litres de lait, y compris celui des chèvres.

En 1956, devant l'ampleur toujours croissante, Chef-Boutonne se modernise. Elle devient la plus importante de la région, en couvrant un rayon de ramassage comprenant vingt six communes.

Les anciennes installations sont abattues pour faire place à des modernes. Le projet datait de 1952, mais par manque d'investissements, il fut retardé.
     
 
                   
       
                   
     
                   
  L'hiver 1960 est rude. Le froid et le verglas recouvrent la région.
Le 17 Janvier, il se produit un petit fait divers assez rare pour être signalé. Deux camions de laitiers entrent en collision. L'un de la laiterie de Saint-Saviol (Vienne), le second piloté par M. Pétrault de Chef-Boutonne. Au lieu-dit "Fief-Richard' de Lorigné. Les deux véhicules en se croisant, ont dérapé sur le sol verglacé, et se sont heurtés. Si les deux chauffeurs sont indemnes, les poids lourds ont souffert sous la violence du choc, et particulièrement celui de M. Pétrault.
 
               
Le Samedi 12 Juillet, par une belle journée ensoleillée, une foule de personnalités assiste à l'inauguration de la laiterie modernisée. M. Guérineau toujours à la tête de la direction, et M. Fraigneaud le président, guident les visiteurs. Ces derniers apprennent que la nouvelle installation traite plus de 10 millions de litres de lait annuellement.

Le chiffre d'affaires de l'an passé se solde à 320 millions de francs. La visite de la chaufferie modèle, a retenu l'attention de l'assemblée. Un vin d'honneur clôture la cérémonie.

1961 : Après avoir été aux commandes de l'établissement pendant trente sept ans, M. Guérineau cède son poste. Il aura marqué, par sa présence et son dynamisme, l'histoire de la Laiterie. Son remplaçant, M. Seron, arrive de la laiterie de Chail.

La collecte en lait de chèvre se monte à 3,8 millions de litres pour La période 1965.
La coopérative se fait une réputation au niveau national pour ses fromages de chèvres et principalement par son Amalthée. Pourquoi ce nom?. Dans la Mythologie grecque, Amalthée fut la chèvre qui nourrissait Zeus. Une de ses cornes devint la corne d'abondance.
                   
     
                   
       
                   
  Un grand président : M. Raymond Fraigneaud :
Fils unique d'une famille d'agriculteurs et de viticulteurs, il voit le jour le 1er février 1901, à Crézières, petite commune proche de Paizay-le-Chapt, dans le canton de Chef-Boutonne.
Ses parents, presque ruinés par le ravage du phylloxéra, avaient dû vendre une grande partie de leurs terres, pour survivre. Ils possèdent une quinzaine d'hectares, à la naissance du petit Raymond.
Son père meurt en 1916 à la guerre, et l'adolescent se retrouve à quinze ans, seul avec sa mère, et à la tête de l'exploitation.
Il se marie en 1923, avec une charmante jeune fille, originaire de Vendée, Marthe Pavageau. Le jeune homme n'eut pas à aller très loin pour rencontrer sa future femme. Elle habitait à Semoussais, petit lieu-dit près de Paizay-le-Chapt.
Ses parents sont arrivés dans ce petit hameau en 1913. Ils ne pouvaient devenir propriétaires dans leur commune de Saint-Hilaire-de-Montaigu, les terres appartenant aux nobles. Ils se décident à venir s'installer, comme beaucoup de leurs collègues, dans le Sud des Deux-Sèvres. Il faut dire que les agriculteurs vendéens ont beaucoup apporté aux anciens viticulteurs sinistrés et reconvertis tant bien que mal. La Vendée est depuis longtemps une terre traditionnelle d'élevage. Ils sont bien accueillis dans notre région, sachant qu'ils viennent avec leur expérience et leur savoir faire, qui seront profitables à nos paysans.
Un petit exemple parmi tant d'autres. Le père de Marthe ramène dans ses bagages, le premier rouleau en fer, pour tasser la terre après les semences. A Semoussais, on ne connaissait que le traditionnel rouleau en bois.
Donc, la famille Pavageau, arrivée dans ce petit village, prend possession de la petite ferme et des vingt trois hectares qu'elle a acheté. Ils sont venus par le train. Le père a voyagé dans le wagon à bestiaux, pour surveiller son cheval, ce dernier ayant un fort mauvais caractère.
L'exploitation de Raymond Fraigneaud grandit peu à peu. A cette époque, la dévaluation de la monnaie en 1918, profita aux agriculteurs.
Le fermage annuel était de 800 francs, et un mois de lait payait cette redevance. Le jeune agriculteur, à force de travail, augmenta rapidement son troupeau de vaches normandes. Il en possèdait huit.
La seconde guerre mondiale, l’appelle sous les drapeaux. Il se retrouve à la poudrerie d’Angoulême. Démobilisé plus tard, il revient dans sa ferme où l'attendent Marthe et ses deux fils. Quelque temps après, il est élu maire de Crézières. Il le restera plus de quinze ans.
En 1958, il est nommé président de la laiterie coopérative de Chef-Boutonne. Travailleur infatigable, il excelle dans tous les domaines, car c'est un homme à plusieurs facettes. Il fut en plus, vice-président de la chambre d'Agriculture des Deux-Sèvres,
vice-président de la Fédération des Exploitants Agricoles, président du Comité départemental de l'Action Sanitaire et membre du remembrement. Le personnage, de stature impressionnante, fut respecté et reconnu par l'ensemble du monde agricole.
Il parachève son œuvre, en faisant bâtir la nouvelle laiterie en 1960. Grace à lui, Chef-Boutonne possède un outil moderne pour prospérer. En 1965, il est maire de Paizay-le-Chapt. Tous les samedi matin, il ne manque jamais de venir saluer les employés de la laiterie. En juillet 1974, toute une région apprend la mort de Raymond Fraigneaud. Elle vient de perdre un de ces grands hommes qui marquèrent son histoire, et qui resteront à jamais gravés dans les mémoires.
 
 
                   
     
                   
  En 1985 les sociétaires acceptent de constituer un groupe régional avec trois autres laiteries qui sont : Charroux et Saint-Saviol-Aunac dans la Vienne, et Les Fayes en Haute-Vienne. Puis c'est le rapprochement avec la S.I.C.A. de Chasseneuil et la coopérative de Claix-Sers en Charente. Tous ces fusionnements constituèrent l'ULCPL "Union Laitière Charente Poitou Limousin"

La laiterie investit considérablement pour se moderniser. La fabrication du fromage ''Amalthée" connaît un énorme succès auprès des consommateurs. Les ventes augmentent de 20% tous les ans. Grace au dynamisme du directeur M. Gaillard et du directeur technique M. Brizard, la laiterie est remise à neuf, et en décembre 1989, la nouvelle salle de production du fameux fromage peut entrer en service.
 

En 1986, cette union collecte 248 millions de litres de lait de chèvre. M. Pasquier N. prend la présidence de cette société. Viendront rejoindre l’ULCPL en 1986 la SICA Lait Charentaise et la Laiterie Coopérative des Gorges du Lot, la Coopérative de Saint Hilaire du Bois et la Coopérative des Clairons. La structure prend alors le nom de Lescure Bougon.
 
                   
       
                   
  Le 14 Janvier 1991, à la stupeur générale des ouvriers et des sociétaires, on annonce la fermeture de l'entreprise pour la fin de l'année. Réunions de protestation, colère des adhérents se succèdent. Les producteurs menacent le groupe Lescure de livrer leur lait ailleurs. La population de Chef-Boutonne municipalité en tête, fait tout son possible pour faire changer la décision du groupe. Rien n'y fait. La raison invoquée par Lescure est que la restructuration du groupe apportera des bénéfices.

Sur les 53 salariés, 25 acceptent d'aller travailler à Saint-Saviol, La Mothe ou Bougon. Quatorze sont licenciés, deux en pré-retraite et huit n'ont pas de prolongation de leur contrat à durée déterminée. Au grand désespoir du dernier président M. Gurgand, la belle épopée de la laiterie coopérative de Chef-Boutonne s'achève.

En ce début d'année 1995, son voisin, Rullier. S. A. a racheté la laiterie et ses dépendances. La grande entreprise de négoce de bois, était un peu à l'étroit. Puis la laiterie fut rasée.
 
                   
         
              Rédaction ED - letyrosemiophile.com
                   
               
                   

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