Deux-Sèvres 

                   
       

 

Laiterie coopérative

de

CHIZÉ

 

       
                   

 

Historique : 1900 - 1930
     
                   
  En 1889, le petit bourg de Chizé, à l'ombre de sa somptueuse forêt et ses arbres centenaires, parmi lesquels le célèbre "Chêne de l'Empereur" et "les Sept Chênes", se remet difficilement de la destruction de sa vigne, quinze ans plus tôt. La ressource forestière reste la seule, pour ces pauvres gens. La vente du bois, la fabrication du charbon de bois et des sabots suffisent à peine à nourrir les familles. L'élevage et la culture ne sont qu'à leurs premiers balbutiements.  
                   
 
La laiterie de Chizé (source : mairie de Chizé)
Et pourtant, en cette fin de Décembre, une poignée d'agriculteurs se réunissent, pour un projet de coopérative laitière.

Le 1er Janvier 1900, c'est la naissance de la Laiterie Coopérative de Chizé. Elle se positionne en plein centre de la localité. 175 sociétaires l'aident à ses débuts. Les fondateurs constituent le premier Conseil d'Administration. M. Henri Béguier. assure la présidence. Au poste de vice-présidents, on nomme MM. Bout, Pommier Olivier et Lebrault Charles.
Les bâtiments comprennent trois pièces, plus le bureau du directeur-comptable M. François Richard.

Le matériel se compose d'un puissant moteur, de deux écrémeuses Alfa et Alexandra d'une baratte et d'un réfrigérant à crème. Il n'y a pas encore de machine frigorifique, la glace étant achetée à Surgères.

Cinq ramasseurs visitent les fermes rustiques et accueillantes. Le paysan Chizéen, comme tous ceux du Sud des Deux-Sèvres, est par nature favorable à l'esprit coopératif, et le plus souvent Républicain.

Trois employés se mettent à l’œuvre sitôt le lait livré. Le chauffeur commence deux bonnes heures plus tôt, pour allumer et activer la chaudière. Le contrôleur réceptionne et pèse le précieux liquide, puis il commence l'écrémage. Enfin, c'est au tour du beurrier, Alcide Laroche aux mains de fée, mais aux bras solides.
 
                   
  La bonne ambiance règne parmi les laitiers. Le légendaire Louis Chatain a une charmante épouse, au doux prénom de Mélina. Son compère et ami, Émile Leurchaud, surnomme sa jument de ce prénom.
Tous les matins, au départ de la tournée, on peut l'entendre plaisanter, en caressant ou tapotant la croupe de l'animal. Ah ! ma belle Mélina, que tu es bien jolie ! A titre de revanche, le père Chatain qui avait nommé son cheval Émile, répliquait à haute voix, à sa bête. Dis Emile ! T'avances ou je te botte le ... !

Ce n'était que plaisanteries constamment et à la grande joie de tous. Les autres ramasseurs sont taillés dans le même moule. De solides gaillards, durs au mal. Certains portent un surnom, généralement du hameau, d'où ils sont originaires Il y a Gustave Naud "l'Agenouillé", Alexandre Michaud dit "la Gloriette"', le père Sicot, du village d'Ensigné, parfois remplacé par sa fille, remarquable par son habileté à manipuler les lourds bidons. Le dernier, Charles Bonnet effectue la tournée sur Chizé. La journée est longue car la traite se fait trois fois par jour.
 
                   
  En 1905, M. Béguier, fut remplacé par M. Arnault Foucher. Il retrouve la présidence en 1906, puis démissionne le 1er Avril 1907.

En 1907, Louis Chapacou devient le nouveau président.

En 1908, la laiterie crée une commission de contrôle, dont le président est M. Louis Arnaud.

1913. Un cas de fraude se signale. Le nommé C..., est accusé d'avoir mouillé son lait avec de l'eau, dans la proportion de 35%. Le conseil d'administration, présidé par M. Pinaud, l'instituteur condamne le sociétaire, à une amende de 500 francs et à l'exclusion. Ce triste évênement afflige M. Pinaud. Lui qui vient tout juste de remplacer Louis Chapacou, c'est une drôle d'entrée en fonction.

1925. La laiterie a un nouveau président, en la personne de M. Eugène Lamy.

Deux ans plus tard, Pierre Berton, le maire d'Availles-sur-Chizé, prend la succession à la tête de la coopérative.

Tout allait pour le mieux pour le meilleur des mondes, jusqu'au jour où la laiterie connaît des problèmes. Une pétition des habitants du bourg, la plupart commerçants et artisans, circule. Ils se plaignent des odeurs nauséabondes provenant des résidus de la laiterie et qui se répandent dans les prés en contre-bas : Ils n'approfondissent pas la question et pensent seulement à quelques aménagements, où au plus faire déplacer l'entreprise vers le "Meulefond'", une source du coté de la prairie.
 
                   

Sans doute, d'autres intérêts sont en jeu, et bon gré, mal gré, la coopérative ferme ses portes, en cette année 1930.

C'est un coup terrible. Les instigateurs de cette disparition, en sont les premières victimes. Ils constatent trop tard les conséquences. Car vu le manque de transport, les laitiers étaient de fidèles commissionnaires. De la viande au bout de dentelle en passant par le sac d'engrais ou d'aliment de bétail, ils rendaient de nombreux et quotidiens services aux agriculteurs éloignés.

Le président et maire d'Availles propose un terrain sur sa commune pour reconstruire une nouvelle laiterie. La solution est acceptée, mais hélas pas par tout le monde.

Certains chizéens ne veulent pas suivre et refusent Availles.
La crise et la querelle s'installent. Des familles, très unies ou amies de longue date, s'entre-déchirent et cessent de se parler.

À Chizé, il se fonde une nouvelle société, "La petite Laiterie". Chaque matin, Henri Béguier, avec sa B. 14 dans laquelle il a installé une petite écrémeuse, part de bonne humeur en sifflotant, et le béret bien calé sur la tête. Il s'arrête chez chaque sociétaire pour écrémer le lait sur place. Et en attendant que l'opération soit terminée, chacun aurait pu fredonner la chanson : "Et moi pendant c'temps là, j'tournais la manivelle !", ce qui est d'ailleurs assez fatigant. En vieille ville, un local appartenant à Louis Chapacou, et aménagé sommairement, voit Charles Bonnet, le laitier, devenir beurrier. Il sait tout faire ce gars-là ! Comme on dit ici. De ses mains expertes, il fabrique et façonne des plaques de beurre de forme ovale. Puis"l'artiste" sculpte une feuille de chêne avec glands. Cet emblème fait du plus bel effet. Ensuite ces œuvres d'art éphémères mais ô combien délicieuses, prennent la direction de Niort, pour être vendues à la Crémerie Gilbert, pour satisfaire les palais des Niortais.

Mais tout a une fin. En cette année 1946, les plaies de la guerre sont à peine cicatrisées, que sonne le glas de la petite laiterie.

Déjà, le nombre d'exploitations baisse et surtout, l'âge et la maladie oblige Charles Bonnet à se retirer. De tout temps, pour survivre, il faut se moderniser pour aller de l'avant. C'est au dessus des moyens de la laiterie. Les chizéens font tout pour conserver leur patrimoine, mais à l'impossible nul n'est tenu. Alors, résignés ils rejoignent Availles. Seules les fermes de "Chantemerle" et de "Parsay-Brieul", la rancœur encore tenace, se joignent à la laiterie de Périgné.

Le transfert vers Availles est décidé par l'Assemblée Générale des Sociétaires, en date du 17 Août 1930.

Avec cette fermeture, Chizé va perdre de sa vitalité.

 
                   
         
              Rédaction et mise en page ED - © letyrosemiophile.com
                   
               
                   

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